Ici le centre de vérification du passage à l'an 2000. Êtes-vous toujours là ? Vos ceintures sont-elles bien attachées ? Les dérapages ne seront pas forcément contrôlés. En cette fin d'année, fin de siècle, fin de millénaire, le film s'accélère et nous allons vous livrer en snail mail, en vrac et en deux A4 feuilles, quelques vagabondages destinés aux âmes vaguelettes.
Je suis ému. Je tiens à remercier tout le monde, tous ceux qui nous ont répondu et ceux qui n'ont pas répondu, ceux qui ne recevront pas le numéro 2, les fidèles et les infidèles, etc. Merci aussi à Gilbert Bourdin qui a inspiré plusieurs colliers de Marina, à l'excellent ouvrage de Jean-Marie Vigoureux sur les pommes de Newton, au fameux futur bogue et à celui trop oublié de l'an 10.000, aux bonnes blagues de Tuléar, à la petite robe de Monica devenue trop petite, aux sculptures d'Ousmane Sow, à partir du mois de mars sur le Pont des Arts, à Boby Lapointe qui continue d'accompagner nos réveils, au collège de pataphysique, etc. Merci, surtout, de continuer à vous intéresser au Ricou, petit animal sauvage des pays tropicaux, difficile à rencontrer et qui se reproduit par portées de deux. Seuls quelques rares exemplaires en sont connus, que l'on peut apercevoir sur certaines photos satellites, approcher à la jumelle ou par courrier électronique.
Vous avez entre les mains le dernier PJRA. En effet, la direction du journal a décidé de changer de titre pour l'année prochaine et vous en aurez l'explication dans les pages qui suivent. En attendant, l'année a déjà commencé, ponctuelle comme un calendrier de la poste, belle comme un bal des pompiers. Pardon donc pour ce retard de publication à tous nos admirables lecteurs (que nous aimons malgré leurs mauvaises fréquentations), imputable au temps qui passe et à d'autres choses du même ordre céleste. Voilà donc de beaux souhaits, qui ont bien pris leur temps pour mûrir au soleil. Bonne et meilleure année et heureux voeux à vous. Pleins, de bonne heure, pour les garçons, et pour les filles de beaux nénés aussi.
X.R.





Toujours plus de travail

Le Projet Santé Abidjan s'achève, après une existence pas trop paisible, mais certainement très fructueuse. Un autre projet devrait prendre sa place, beaucoup plus ambitieux, avec beaucoup moins de moyens. C'est ce qu'on appelle une coopération franche et sincère dans un partenariat rénové ! Une cellule de crise s'est mise en place pour la gestion du trou noir qui, malgré les précautions d'usage, devrait durer près d'un an entre les deux projets. L'humeur sur place est maussade, le temps orageux. Quant au reste, l'image ci-dessous résume assez bien la situation.





PJRY ?

Au plan personnel, le ciel est plutôt bleu. Entre la pression abidjanaise, deux missions au Sénégal, une autre au Cameroun et plusieurs déplacements en Côte d'Ivoire profonde, mine de rien, les échéances s'échoient et la fameuse LTS (limite de temps de séjour, soit 6 ans) s'est rapprochée. La suite logique aurait pu être RMI, mais la coopération française - qui n'existe presque plus, mais qui l'aime bien encore -, a proposé la candidature de Xavier aux autorités camerounaises. Pas impossible, donc, que le prochain PJRA s'appelle Petit Journal des Ricou de Yaoundé.





Les Ricou au pays des Bretons

Les grandes vacances ont commencé par un séjour vivifiant sur l'île de Bréhat avec des ex-amis-voisins d'Abidjan : crêpes, cidre, beurre salé, pêche à la crevette, hobbie-cat, mer et vent glacés, marées, vélo, cris des goélands, cris des enfants, maison genre colonie de vacances et énergie façon plante verte.



Vacances exotiques à Bréhat




Et au pays des touristes

La ballade s'est poursuivie par une ascension du Mont-Saint-Michel. Les petits Ricou emportés jusqu'en haut par un fleuve de touristes allemands, sont parvenus à en redescendre en profitant du reflux des touristes espagnols. Une trêve dans la manoeuvre leur a permis d'acheter deux glaces à la fraise, qui ont fondu avant d'être mangées, et une jolie petite chose avec de la neige qui bouge dedans quand on la secoue. Suivirent Granville, Cabourg, puis le bassin d'Arcachon. Pas la place de tout raconter. Pour le reste, l'année fut brève, mais suffisamment agitée pour permettre à la famille de décoller la pulpe du fond : quelques mini-excursions expresses, au Ghana, à Korhogo, à Grand-Bassam et à la Baie des Sirènes, l'occasion de chaleureuses retrouvailles avec le petit singe Moka.



Deux sirènes à la Baie des Sirènes






Arrivées sur la planète

Nour est délicieuse ; Seymen a reçu un petit frère : Timour-Noé ; Amaéna et Koudia avaient déjà gagné un petit Xavier l'année dernière ; Siméon vient également de recevoir le sien. Félicitations aux heureux parents qui ne chôment pas dans les chaumières. À propos de lapins, saluons l'arrivée dans la maison d'un couple de ces sympathiques rongeurs, qui faillirent s'appeler Marie-Hélène et François, avant de profiter du week-end de Noël pour se faire la belle. Une nouvelle lapine à l'oeil rouge assure l'intérim au pied levé.



Questions essentielles

Quelques questions importantes restent en suspens au sein de la famille : qui est la petite souris ? Le père Noël est-il bien réel ? Aurait-il été aussi facile d'inventer les lunettes si l'on n'avait pas eu d'oreilles ? Inversement, à quoi bon chausser des lunettes sur les oreilles si l'on n'avait pas d'yeux ? À propos d'yeux, que fait Dieu le dimanche après midi ? Les années 50 étaient-elles vraiment en noir et blanc ? D'ailleurs, pourquoi avoir inventé d'abord le noir et le blanc avant la couleur ?



Le déménagement

Cependant, la vraie question métaphysique de l'année n'est pas : «iront-ils au paradis ?», mais, «pourquoi en ont-ils été chassés ?». En effet, l'expulsion tant redoutée par les Ricou de leur coin de forêt a fini par se produire. Ils ont dû prendre congé en novembre dernier de leur petite maison en bois, de la lagune, des couchers de soleil et des colibris, pour se retrouver dans une villa anonyme du quartier de Cocody. Plus attristant, des clôtures ont été édifiées, les arbres gigantesques sont aujourd'hui débités en rondelles, tandis que la maison est toujours vide. Bilan du déménagement : 5 ans de poussière, d'accumulation d'inutilités, de vanités et, malgré tout, quelques essentialités. Conséquence inattendue : un temps de trajet réduit d'une heure par jour. L'utilisation optimale de cette heure gagnée n'est pas encore trouvée. Un appel à suggestions est lancé auprès de nos joyeux lecteurs.



Encore un faux père Noël

De notre envoyé spécial à l'école d'Adiopodoumé : «le Père Noël est arrivé en hélicoptère, comme la dernière fois. Il est tombé sur un arbre avec son parachute et les cadeaux. Le maître lui a apporté une échelle pour descendre de l'arbre, puis il est venu à l'école pour nous distribuer les cadeaux. Je crois que c'était encore un faux, parce qu'il remontait tout le temps sa barbe». À part ça le barbu ne fut pas vache : un meccano pour Xavier Manoa, un tour de potier pour Marina Josépha, une maquette de bateau à vapeur pour Xavier Marina, une perruque brune pour les phantasmes, etc.



Le scepticisme de notre reporter




Errata

Il n'est pas impossible que les Ricou organisent de modestes agapes début septembre pour fêter leur mariage (petite formalité oubliée en 89). Que les intéressés commencent à découper les confettis et à faire chauffer les nouilles, on ne sait jamais !



Météo

Beau temps et averses de toutes les couleurs. 30° depuis l'année dernière. Toujours une très forte hygrométrie. Le plancher germe par endroits.





Assemblages moléculaires

Josépha : 7 ans, 127 cm, 32 kg, au régime, comme papa. Fortes prédispositions à l'effervescence. Besoin de tendresse permanent. Âge de raison précoce, surprenante maturité, étonnante détermination, naturel désarmant. A choisi Isabelle comme marraine et Daniel comme parrain.



Autoportrait de Josépha


Manoa : 9 ans, 127 cm, 25 kg, ravissante immature. Prédispositions à l'évanescence, déroutante insouciance, déconcertante sensibilité, insaisissable volatilité. Baigne encore dans un éther amniotique. N'a pas encore compris l'usage des mots «merci» et «bonjour», mais a choisi Bernard et Marie-Hélène comme marin et parrainne.



Manoa apprivoisée par un lapin


Marina a mille ans, elle habite dans un bananier. Ne se décide pas à vieillir, et oublie chaque année depuis lurette de rajouter un an à son âge. A arrêté de fumer et veut que cela se sache. Aime énormément le chocolat.



Marina, c'est la prof. de dessin


Xavier : 39 ans, 174 cm, 64 kg, ambitions homéostasiques. Approche de la zone de turbulences. Commence d'ailleurs à turbuler, surtout du haut du crâne et du nombril. Adieu corps de rêve et insolente perfection (hum !), l'adolescence fout le camp.



Dernière minute

On nous rapporte le mauvais état de santé de la poupée Lou, à propos de laquelle nous reproduisons le fac-similé de l'ordonnance du docteur JR. Nous ne manquerons pas de tenir nos lecteurs informés de l'évolution de la situation qui, n'en doutons pas, préoccupe tout le monde.



Ordonnance du médecin traitant de la poupée Lou






Olympiades

L'équipe constituée de la paire Josépha-Xavier s'est brillamment illustrée aux olympiades de l'école d'Adiopodoumé. Après une course en sac à rebondissements, un parcours de l'ananas éprouvant, une régate en optimiste dans la piscine menée de mains de maîtres et d'autres épreuves du même tonneau, ils se sont hissés sur la troisième marche du podium (et encore, derrière d'athlétiques jeunes papas militaires).



Papillonnages

Une année en dents-de-scie pour le squash, marquée par quelques maux croisés, des résultats médiocres et quelques performances remarquables. De leur côté, Josépha et Manoa ont abandonné le judo, mais continuent à pratiquer, avec une conviction variable, la voile, le tennis et la natation, où elles viennent de débuter l'apprentissage du papillon.



Football

La Coupe du monde de football a provoqué une émotion sans précédent dans les rues de la capitale. Ballons tricolores sur sa voiture, Zavier se prenait pour Zizou et répétait à qui voulait l'entendre : « avez-vous vu ces deux buts que j'ai marqués de la tête en finale ? ». Après, il a fallu payer à boire à tout le monde.





Colliers

Pas de véritable exposition cette année, mais toujours beaucoup de succès pour les colliers de Marina. Il semble maintenant impossible d'arrêter la machine à enfiler les perles. Les placards débordent de manière inquiétante.


Le logo de Marin@




Art africain

La collection d'art africain s'étoffe également de façon alarmante. Des solutions radicales devront être trouvées pour l'hébergement de ces objets. Quelques très belles et très encombrantes pièces Lobi, Baoulé ou Malinké sont venues compléter la famille.



Lettre à un ex-Mac

Ma pomme. J'ai fait un RayDream ! Attends que je te raconte : c'était un peu AfterDark, le ciel était Radius avec juste quelques cumulo NuBus en niveaux de gris. J'étais tranquillement en train de Bézier dans l'environnement graphique de la Silicon Valley, quand soudain, je suis tombé sur un OS. Un True Type s'approche et me dit comme ça : «vous avez vu votre tête de clone ? Montrez-moi vos XFCN et vos XCMD... Vous arrivez au ZTerm de votre PRam. Vous ne pouvez pas rester là ; il faut vous Sculley !» Je prends mon air le plus Taligent et fais un beau Scuzzi au Contrôleur. Je lui explique que je viens de changer les piles de mon HyperCard et que je n'ai pas eu le temps d'augmenter ma profondeur d'écran. Il me dit : «je sais, c'est un sale Jobs et le protocole de compression c'est un système d'exploitation, mais c'est des routines standard à cause du piratage». Las, malgré ma face cachée et ma haute résolution, il ne veut rien savoir ; mais je m'en sors plutôt bien, car d'habitude ils éliminent les alias avec un canon à électrons. Je remonte sur ma Motorola, 3 pouces et demi et 32 bits clean rétro éclairée. Je fixe le démarrage sur mon tableau de bord et VRam, direction le périphérique. J'avais la tête dans les nurbs et j'augmentais sans cesse ma vitesse d'horloge ; quel RISC ! Soudain, près des Duo Docks, au détour d'un BitMap, je me fais flasher par le lancer de rayon d'un terminateur interne de la police de caractère, Simmmm !!!! J'appuie XPress sur la FKey, ASCiiiiiiiiii... Mais la monotâche SuperDrive m'Escape et je me plante dans un placage de textures. Hayes ! Sans savoir comment, je me retrouve au finder, à côté de la corbeille. Une File Manager drôlement Claris avec de longs TIFF sur l'interface me murmure dans l'Audio Chip : «vous avez une chance UNIX ; vous avez eu un jet d'encre ; un peu plus et c'était la 4e Dimension ! On a même retrouvé votre Toolbox. Vous avez le Disque Dur et pas mal de ressources dans le pixel. D'ailleurs, on vous a passé au scanner en 16 millions de couleurs : regardez votre feuille de calcul». Effectivement, mon script avait été recompilé et j'avais juste une extension du Lotus ; heureusement, pas besoin d'opération booléenne. «À tout tableur» qu'elle me lance, l'air Performa et en fredonnant «Mon-Mac-à-moi il-me-parle-d'aven-tuuuure, et-quand-elle-briiiille-dans-ses-yeux...». Elle était floppy la souris ; une vraie bombe virtuelle, pleine de radiosité, du genre à animer une Hot Line. Malheureusement, j'ai rebooté en reconstruisant mon bureau. Depuis, curieusement, j'ai la virgule flottante, mon taux de transfert est très bas, je fais un peu d'HyperTalk, je perds la mémoire vive et puis surtout, j'ai un peu mal au DOS quand je suis ASCII au PC. C'est sans doute dû à un bug intégré, ou à une mauvaise station de travail ? Bon, je dois maintenant aller me faire lisser les métaballs, sinon je vais devenir Dingbats. Je te laisse mon numéro d'adressage et on s'Apple.



Musique

On notera les débuts prometteurs de Josépha à la flûte et l'étonnante découverte du piano par Manoa. Celle-ci en joue en toute situation, dans toutes les positions, même la tête en bas avec les pieds. À défaut d'orchestre philharmonique, quelqu'un aurait-il des relations dans un cirque ?



Du bonheur pour terminer

Et je veux rendre à ma façon, grâce à votre graisse à masser. Votre saindoux pour le corps c'est, ce que mes vers pour l'âme sont.
De tout ce qu'à ma peau me fîtes, combien fus-je épaté de fois ?
Combien à vous qui m'épatâtes, mon bon petit coeur confus doit ?
(Boby Lapointe, 1971)

 

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