Matière première
L’esclavage est un sujet sensible qu’il est difficile d’aborder sans exacerber les susceptibilités ou, simplement, éveiller les soupçons. Le texte qui suit n’a pas vocation à susciter des polémiques et se contente de rappeler des faits attestés.
L’esclavage en Afrique n’a pas débuté au XVe siècle avec l’arrivée des Européens. Les tribus maures du Sahara le pratiquaient déjà bien avant cela, de même que les chefs de sociétés africaines, qui soumettaient les hommes capturés dans les sociétés voisines. Mais les Européens, motivés par leur volonté de développer les colonies outre-Atlantique, vont s’approprier cette pratique, lui donner un caractère commercial et l’amplifier jusqu’à un niveau quasi-industriel. Ce commerce très lucratif est dit “triangulaire”. Des marchandises de pacotilles sont acheminées jusqu’en Afrique où elles sont troquées contre des esclaves, lesquels sont convoyés jusqu’aux Amériques, où ils sont échangés contre des produits comme le sucre, le café ou le coton, qui sont à leur tour réexpédiés en Europe. On estime que plus de 10 millions d’êtres humains ont été déportés en trois siècles. 7%, environ, sont morts pendant la traversée.
La distinction doit être faite, entre l’esclavage proprement dit et la traite, qui est le commerce des esclaves (mais pas seulement), et, au sein même de l’esclavage entre le statut d’”esclave de traite” et celui de “captif de case”. Il est avéré que les “captifs de case” au Sénégal bénéficiaient d’un traitement infiniment plus enviable que celui des esclaves de traite. Employés par les signares, ils avaient une condition de domestiques, vivaient parmi elles dans leurs cases, et ne pouvaient être revendus. Beaucoup d’entre eux restèrent d’ailleurs au service de leurs maîtres une fois affranchis.
L’esclavage (et donc la traite) avait été une première fois aboli en 1794, mais devant la pression des planteurs antillais, Bonaparte l’avait rétabli en 1802. De leur côté, les Anglais avaient interdit la traite dès 1807 puis supprimé l’esclavage en 1833. Ce n’est qu’en 1848, sous l’impulsion de Schœlcher, que la France, à son tour, abolit définitivement l’esclavage. Beaucoup plus tard, le 18 février 1999, le Parlement français a qualifié officiellement la traite négrière de crime contre l’Humanité (Loi Taubira).
Gorée a, certes, représenté un centre de traite significatif, mais celle-ci, cependant, n’a jamais eue l’importance que certains lui accordent aujourd’hui. Les établissements situés sur la Côte d’Or (dite Côte des esclaves) ont été des centres de transit infiniment plus considérables. Saint-Louis même a été un centre de traite plus important que Gorée. Au demeurant, ce n’est pas l’esclavage qui a fait la “fortune” économique de Saint-Louis mais bien la gomme arabique.